Les cahiers du 50e
Audrey Talbot

Ma rencontre avec Le Carrousel fut déterminante.

Après avoir été marquée par les cours de Gervais Gaudreault pendant ma formation de comédienne et tout ce que je découvrais grâce à lui, voilà que je le retrouvais comme professionnelle ! J’allais devenir la Sarah du Pays des genoux et je trépignais à l’idée de rejoindre Gervais en salle de répétition, pour poursuivre mon apprentissage avec toute la passion, la rigueur et l’amour du travail que nous partagions.

Le 2017 Parthenais a toujours senti la maison. L’endroit où on peut arriver le sourire aux lèvres ou la larme à l’œil ; quel que soit notre état d’âme, il est entendu. Le foyer où le sentiment de sécurité n’est jamais ébranlé, où la bienveillance règne et où le thé coule à flots. On y travaille fort et on plonge sans retenue avec la confiance que le capitaine du navire nous mènera à bon port.

C’est avec Le Carrousel que j’ai traversé l’océan pour la première fois. J’avais déjà sillonné les routes du Québec en tournée, mais je découvrais grâce à lui l’enivrement de l’exil temporaire, la franche camaraderie de la famille imposée avec laquelle on apprend tant de choses et où des liens inaltérables se tissent.

C’est si précieux de rencontrer le jeune public assoiffé d’histoires intelligentes qui le font s’émouvoir, se questionner, se reconnaître. Je me faisais un devoir d’être à chaque fois à la hauteur de sa curiosité, de m’exposer sans pudeur à sa franchise. Le jeune public n’est pas poli ; c’est une telle joie de l’entendre s’exprimer. Quel avantage j’avais de le côtoyer !

J’aurai vécu dans le théâtre effondré de Timothée et Sarah plus de 150 fois la conquête de l’amitié qui prend forme sur l’air de la Reine de la nuit. J’ai pu mesurer le luxe du temps accordé à la création et savourer la durée de vie du projet. L’épopée aura duré 3 ans. Elle m’a remplie de bonheur, de souffle, de confiance et d’expérience. J’étais nécessairement une meilleure interprète avec ce bagage important.

Puis j’ai eu le privilège de revenir à la maison. J’allais cette fois rencontrer les mots de l’autre moitié du grand manège : l’autrice exceptionnelle qu’est Suzanne Lebeau. Une autre immense fierté que celle de porter les mots de ma sorcière préférée ! J’allais retrouver la famille et ses nouveaux membres, revivre le rythme de la grande tournée outre-mer une ceinture de balles au corps, une vraie fausse kalachnikov à la main, et devenir Élikia pour plus de 100 fois.

Ce texte. Cette expérience humaine. Cette rencontre intime avec ce que doit être la guerre, le courage, le combat quotidien. Cette odyssée si délicate et particulière m’a certainement donné des outils pour mener mon propre combat par la suite.

Gervais, Suzanne ; vous avez donné naissance à une famille qui se perpétue, qui continue de se questionner et qui place la jeunesse au cœur de sa réflexion. C’est gigantesque ce que vous léguez. Merci de m’avoir ouvert votre porte. Je vous en serai éternellement reconnaissante.

Audrey Talbot
Comédienne

 

Descriptif de la photo :

Le pays de genoux (2005) de Geneviève Billette, mise en scène de Gervais Gaudreault.
Sur la photo : Francis Ducharme et Audrey Talbot
Crédit photo : François-Xavier Gaudreault