Les cahiers du 50e
André Courchesne

Parcours au long cours

Il est rare qu’un organisme culturel occupe une place aussi étendue dans le temps dans un parcours professionnel, mais c’est ce qui m’est arrivé avec Le Carrousel, une compagnie qui s’est inscrite dès sa création dans le long cours.

Nos chemins se sont croisés une première fois en 1986 : j’avais terminé ma formation de gestionnaire culturel et travaillé pour des compagnies de tournée, surtout en théâtre pour adultes. Le Carrousel existait à ce moment-là depuis 13 ans et logeait dans un appartement de Saint-Lambert. Assez vite, les fondateurs m’ont demandé de trouver un nouveau lieu qui puisse disposer d’espaces de production, de répétition et d’administration. L’arrondissement de LaSalle nous a proposé de devenir le principal organisme artistique d’un centre de création/diffusion, ce que nous avons accepté avec joie.

Pendant cette période de forte croissance, la diffusion du Carrousel au Québec reposait sur un répertoire de plusieurs œuvres en circulation dans différentes régions, principalement dans les écoles. La promotion devait s’exercer auprès de chacune d’elles ou parfois en s’adressant aux commissions scolaires, ce qui exigeait une coordination constante ; ce fut donc l’époque où Le Carrousel se dota de ses premiers ordinateurs. La compagnie disposait de sept employés permanents et d’un budget de 400 000 $ (l’équivalent de 830 000 $ en 2023). Comme aujourd’hui, la compagnie était l’une des plus importantes en enfance-jeunesse et elle fut à l’origine de la création de Théâtres Unis Enfance Jeunesse (TUEJ), une association de producteurs pour laquelle j’ai mené la négociation de la première entente collective avec l’Union des artistes.

Nos chemins se sont croisés à nouveau dans les années 1990 et 2000, pendant lesquelles j’ai dirigé le Service du théâtre du Conseil des arts du Canada ; toute l’expérience de la diffusion nationale et internationale du Carrousel a inspiré mon action dans la refonte de programmes de soutien à la création, à la coproduction et à la diffusion.

En 2009, je suis revenu à Montréal pour étudier et enseigner à HEC Montréal, où j’ai fait ma thèse de doctorat sur les motivations des parents à fréquenter le théâtre jeune public. Ce fut aussi la troisième occasion de me rapprocher du Carrousel, quand les fondateurs m’ont invité à siéger au conseil d’administration : la question de la localisation est devenue rapidement l’un de nos sujets principaux de discussion, mais aussi la transmission de l’organisme à la prochaine génération.

Lors de ce parcours qui couvrira bientôt 40 ans, j’ai été à même de connaître ce qui anime Le Carrousel. Si son nom évoque le mouvement, ce sont ses valeurs qui traversent le temps : le respect de l’enfant comme un être autonome, une exigence de qualité artistique, une rigueur administrative et un formidable élan de défricheur. Créateur d’un répertoire unique et bâtisseur d’institutions comme la Maison Théâtre et TUEJ, Le Carrousel est un modèle d’engagement au long cours.

André Courchesne
Membre du conseil d’administration du Carrousel et
Professeur associé – Chaire de gestion des arts Carmelle et Rémi-Marcoux, HEC Montréal

 

Descriptif de la photo :

Les petits pouvoirs (1984) texte de Suzanne Lebeau, mise en scène de Lorraine Pintal.
Sur la photo : Danièle Lépine, France Labrie, Alain Grégoire et Gervais Gaudreault
Crédit photo : Anne De Guise